Léman 2025 : du succès de la restauration à la vigilance écologique
« Lorsque le vent change, il faut savoir orienter les voiles. »
Lors de notre session plénière annuelle, l’état de santé du Léman a été présenté et débattu. Les échanges entre les représentants des gouvernements et les parties prenantes ont été riches, nourris par les données scientifiques, les retours d’expérience et une volonté partagée de préserver durablement ce bien commun.
Après des décennies d’efforts, la restauration de sa qualité trophique est un succès reconnu. Mais ce succès ouvre une nouvelle phase : celle de la vigilance écologique, dans un contexte de changement climatique et de pressions diffuses et invisibles, telles que les micropolluants, les microplastiques, ainsi que l’expansion d’espèces exogènes invasives, à l’instar de la moule quagga.
Dans le préambule du rapport d’activité 2025 de la CIPEL, la Secrétaire générale Nicole Gallina , partage une lecture engagée de cette transition :
👉 comprendre les nouvelles dynamiques du Léman,
👉 adapter nos cadres d’analyse et de gouvernance,
👉 agir collectivement pour préserver durablement le plus grand réservoir d’eau potable d’Europe occidentale.
📄 Le préambule du rapport d’activité est disponible dans l’article ci-dessous 👇
À cette occasion, nous avons également présenté le rapport d’activité, le tableau de bord de la CIPEL ainsi que le rapport scientifique annuel, qui constituent ensemble les piliers d’une gouvernance fondée sur la science, la transparence et la coopération transfrontalière.
🔗 Retrouvez notre rapport d’activité 2025 en ligne.
🔗 Le rapport scientifique annuel ainsi que le tableau de bord 2025 sont disponibles dans notre limnothèque.
Parce que protéger le Léman, c’est savoir anticiper, évoluer et agir ensemble.
PRÉAMBULE ISSU DU RAPPORT D’ACTIVITÉ 2025
Cela fait désormais trois ans que j’ai le privilège de plonger chaque jour un peu plus dans la compréhension du Léman et de son bassin versant. Le chiffre 3, symbole d’équilibre dynamique, nous rappelle que rien n’est figé : comprendre, s’adapter et agir sont les 3 forces qui guident la CIPEL face aux défis du Léman. Dans un écosystème en transition, soumis à des pressions nouvelles et changeantes, cette triade souligne que la stabilité ne provient pas de l’immobilité, mais de notre capacité collective à évoluer pour protéger un bien commun essentiel : les eaux du Léman.
Les travaux de la CIPEL l’ont confirmé : 2025 marque un tournant majeur pour le Léman comme pour notre institution. Après plusieurs décennies d’efforts, la restauration trophique du Léman est aujourd’hui un succès reconnu. Les concentrations en phosphore ont quasi atteint les niveaux fixés par la CIPEL, des valeurs encore inatteignables il y a vingt ans. Ce résultat est le fruit d’une coopération transfrontalière exemplaire, d’investissements constants des scientifiques, des collectivités et de politiques publiques cohérentes.
Cette réussite fait apparaître une réalité nouvelle. Sous l’effet du changement climatique et de l’expansion d’espèces exotiques invasives, la disponibilité du phosphore dans les couches productives ne suit plus les dynamiques d’autrefois. L’objectif historique, centré sur la réduction des apports, ne suffit plus à lui seul pour décrire l’évolution du lac. Nos analyses montrent la nécessité d’adapter notre cadre d’évaluation, d’intégrer de nouveaux indicateurs et de repenser notre lecture du Léman pour en garantir la résilience à long terme.
Car si la restauration est accomplie, la vigilance écologique reste indispensable. Les enjeux se déplacent vers des pressions invisibles, diffuses, complexes: changement climatique, micropolluants, microplastiques, nouvelles dynamiques biologiques et espèces invasives redessinent désormais les équilibres du lac.
À l’image d’un navigateur qui ajuste ses voiles lorsque le vent tourne, la CIPEL a su, en 2025, adapter sa trajectoire. Le déménagement vers de nouveaux locaux, au coeur de la Genève internationale et au bord du Léman, n’est pas un simple changement d’adresse : il incarne une volonté stratégique d’enracinement, de visibilité et d’ouverture. Cette proximité renforcée avec nos parties prenantes et les acteurs internationaux nous permet désormais de porter plus largement la voix du Léman.
Nous avons ainsi pu présenter nos actions et nos résultats aux Nations Unies a deux reprises, lors des sessions de la Convention sur l’eau, dans les panels dédiés à la gestion des bassins transfrontaliers et aux microplastiques, ainsi qu’à la 22ᵉ Conférence Euro-RIOB (réseau international des organismes de bassins) pour partager les stratégies de la CIPEL en matière de micropolluants émergents et de microplastiques. Ce rayonnement international a mis en lumière, et renforcé, une conviction profonde : la valeur de la CIPEL repose sur une gouvernance fondée sur la science et sur plus de soixante ans de données rigoureusement collectées et annuellement analysées, qui nous permettent d’identifier les signaux faibles, d’anticiper les bouleversements et de comprendre les dynamiques profondes du Léman.
Cette adaptation s’est également traduite par un travail de fond : la refonte des documents-cadres, devenue indispensable, a permis de clarifier les rôles, de moderniser notre gouvernance et d’ajuster notre fonctionnement aux défis d’aujourd’hui.
L’épisode du 1,2,4-triazole a mis en lumière, avec une clarté incontestable, la nécessité d’évoluer face aux réalités émergentes. Son apparition soudaine grâce à des analyses nouvelles dans le Léman nous a rappelé la nécessité d’adapter constamment nos outils et nos cadres réglementaires. Il a révélé une vérité fondamentale : le Léman, plus grand réservoir d’eau potable d’Europe occidentale, impose une vigilance absolue dans un climat en profonde mutation. La quantité d’eau n’a de valeur que si sa qualité est préservée. Ce constat a renforcé notre détermination à intensifier la surveillance des pollutions émergentes et à maintenir une capacité d’anticipation continue pour protéger durablement cette ressource vitale.
En écho au chiffre 3, comprendre, s’adapter, agir, la recommandation 2025 sur les déversoirs d’eaux usées en est une illustration concrète : elle éclaire l’état des rejets, nous pousse à adapter nos pratiques face au climat et établit un cadre commun pour préserver la qualité des eaux. Elle exprime la capacité collective de la CIPEL à évoluer avec les défis de son temps.
La résolution CIPEL 2024 sur les espèces exogènes invasives a également renforcé la nécessité d’une action commune face à l’un des défis les plus urgents et complexes du Léman. La moule quagga, espèce ingénieure, capable de transformer profondément l’écosystème et d’endommager les infrastructures d’eau potable, de pêche, de navigation ou d’énergie, impose une réponse coordonnée à l’échelle de tout le bassin. En 2025, la CIPEL a ainsi créé un lien avec la Commission mixte du Règlement de Navigation du Léman, afin d’explorer l’intégration d’une obligation de nettoyage et de déclaration des bateaux changeant de plan d’eau. Cette démarche, déjà appliquée dans plusieurs cantons suisses, constitue un levier puissant pour limiter la dispersion des espèces invasives. Elle illustre une conviction essentielle : aucun territoire ne peut répondre seul à ces menaces. Nous devons comprendre ensemble, adapter ensemble et agir ensemble pour protéger durablement le Léman et les autres lacs suisses et français encore préservés. C’est dans cette coopération transfrontalière, ouverte et déterminée, que réside notre meilleure chance de maîtriser les invasions biologiques.
La réflexion sur la personnalité juridique du Léman nous a également amenés à réfléchir sur une autre approche : considérer le Léman non plus seulement comme une ressource, mais comme un être avec ses besoins propres. Cette approche renforce notre responsabilité collective et nous rappelle que protéger le Léman, c’est préserver notre avenir commun.
Pour hisser les voiles et les ajuster lorsque les vents changent, il faut de bons matelots. L’année 2025 a montré que la CIPEL peut compter sur une équipe unie et engagée. Je tiens à exprimer mes sincères remerciements au Conseil scientifique, dont l’investissement remarquable nourrit notre compréhension du Léman ; au Comité opérationnel, qui transforme ce savoir en actions concrètes ; au Bureau de la sous-commission technique, qui fixe le cap et guide nos priorités ; et aux chefs de délégation, qui portent les décisions nécessaires au plus haut niveau. Rien de cela ne serait possible sans le travail immense, déterminant et souvent discret de mon équipe du secrétariat, qui coordonne, relie et soutient l’ensemble de ces efforts.
Enfin, je souhaite remercier chaleureusement David Daguillon, président du Bureau de la sous-commission technique, pour son temps, son expérience, son énergie, sa patience et sa bienveillance. Et adresser mes meilleures voeux à Rémy Estoppey, président de la CIPEL, à qui je souhaite bon vent pour les nouvelles aventures qui l’attendent dans sa nouvelle vie de retraité.
Nicole Gallina, Secrétaire générale de la CIPEL